📀Prince Waly - Moussa (2022)
“Le rap est une course”. Une métaphore qui séduit de plus en plus d’artistes lors de leur développement, comparant leur carrière à un marathon, où chaque projet est une étape à franchir dans une magnifique course de fond vers le sommet des charts.
La course la plus inspirante est celle du regretté Nipsey Hussle, se développant 100% en indépendant, distribuant ses mixtapes à la main même à l’air du streaming et travaillant avec sa communauté, qui a attendu ses 33 ans pour livrer son 1er album “Victory Lap”.
Si Nipsey Hussle a attendu une décennie pour franchir sa ligne d’arrivée, de jeunes rappeurs se lancent rapidement dans cet élan. C’est le cas en France cette année avec la révélation NeS qui enchaîne les EP et a passé un cap sur son dernier projet justement intitulé La Course.
Malheureusement, la route n’est pas toujours toute tracée et nos rappeurs passent parfois sur des dos d’ânes. C’est le cas de Prince Waly qui malgré de beaux succès d’estime au long de ses différents projets a bien failli être un roi sans couronne.
Prince Waly a démarré dans les starkings blocks avec Fiasco Proximo, un autre rappeur de Montreuil. Ils forment tous deux Big Budda Cheez et livrent une série d’EPs et 2 albums entre 2012 et 2018. De très bons projets, à la vibe “old school”, mais qui vont manquer d’exposition.
Waly passe le témoin à Myth Syzer, producteur de renom que l’on avait présenté sur l’analyse de Bisous. Ils sortent ensemble Junior, un 7 titres excellent, où l’artiste vient déclarer son amour au rap français et prend ses marques. L’artiste accélère sa foulée.
C’est avec BOY Z que Waly pouvait changer la dimension de sa course. L’EP se différencie du reste de la carrière de l’artiste. Un projet complet aux productions plus traps qu’à son habitude et aux flows incisifs, laissant également place à des passages touchants.
Des couleurs variées sont permises par une pléthore d’invités allant de sa compagne Enchantée Julia à Alpha Wann. Philly Flingo ayant eu un parcours similaire avec les Alph Lauren collabore sur “Le Plan” qui avait tout pour exploser les compteurs.
Alors que Waly semble donc sprinter dans la dernière ligne droite, il trébuche, malgré lui. Diagnostiqué d’un cancer quelques mois après la sortie de BOY Z, l’artiste rentre dans une période difficile et perd même le goût pour la musique, mettant en pause forcée sa carrière.
Waly guérit mais est au plus bas mentalement ; il finit par retourner au studio sous l’impulsion du producteur de Don Dada JayJay et se remet progressivement en selle. Il décide alors de nous expliquer son crash pour mieux passer la ligne d’arrivée.
Prince Waly sort enfin son 1er album le 30 septembre 2022 : Moussa, son prénom. Avec un projet aux textes introspectifs et aux aspects cinématographiques percutants, Waly se surprend à conquérir le cœur du public rap français et à enfin s’imposer.
Le Walygator n’a pas perdu de ses qualités de MC et nous le prouve sur le 1er single éponyme où l’on retient l’évolution du personnage entre les couplets évoluant de “pas de regrets, Lunatic c’est l’thème” à “il a perdu du temps, les regrets se sont entassés”. Cette référence évidente au classique “Pas l’temps pour les regrets” constitue une des nombreuses références à Lunatic dans la carrière de Waly et dans l’album.
Une influence de Mauvais œil jusque dans la tracklist avec la présence d’Ali sur Rottweiler, rappeur préféré de l’artiste. Un nouveau sommet pour le rappeur qui accueille une de ses idoles sur l’album qu’il a l’honneur d’introduire lui même avec sa fameuse réplique “Ecoute Fils”. S'enchaîne alors un magnifique couplet d’Ali qui avait définitivement manqué à nos oreilles.
Le marathon de featurings s'enchaîne ainsi avec un Freeze Corleone des grands jours sur Balotelli, un Jazzy Bazz en osmose parfaite avec Enchantée Julia dans Cra$h ou le refrain sublime de Luidji sur le sensuel Problème qui vient dépeindre un Makala plus sensible que d’ordinaire.
Des featurings faisant partie intégrante de l’histoire imaginé par Waly qui livre un projet très influencé par le 7ème art. A l’image du titre Movie digne des meilleurs films d’actions, l’album gagne en relief grâce à ces storytellings et à ces samples issus de films classiques.
Des extraits qui introduisent bien les thèmes de l’album. On reconnait forcément un passage de La Cité de Dieu pour parler de relations amoureuses sur Problèmes mais il y a également un long sample de Ma 6-T va Crack-er sur l’excellent Messe qui parle justement des quartiers.
Il va même reprendre le titre “Moussa” que sa compagne Enchanté Julia lui avait dédié pour illustrer son crash dans l’interlude de l’album. Celle-ci étant au centre du projet, puisqu’elle a travaillé sur les toplines, arrangements et même en tant qu’ingé son pendant le confinement.
“Si Prince Waly était une arme à feu, Enchanté Julia serait son chargeur”. Elle a dû également traverser l’épreuve de la maladie de son conjoint et l’album lui est dédié ainsi qu’à tous les proches du rappeurs qui sont remerciés sur la sleeve très complète du vinyle.
On retrouve sur le disque la sublime cover de Fifou. Si Waly posait devant une bmw sur BOYZ, il illustre ici magnifiquement son crash sur l’airbag.
Une cover filant une parfaite métaphore de sa maladie avec un magnifique hommage au Victory Lap de Nipsey.
Le vinyle blanc est à un prix qui fait plaisir à voir, mais ne semble pas avoir été retravaillé pour le support, donnant une impression de qualité streaming. Il s’accompagne cependant d’une DA léchée et du vinyle de BOYZ pour les plus rapides avant sa commercialisation en janvier.
En exposant ses doutes et ses craintes, Prince Waly apparaît certes comme vulnérable, mais paradoxalement plus apaisé. Cette ouverture lui permet de faire exceller son art, et de l’emmener beaucoup plus loin dans sa course qu’auparavant. Il est tombé pour mieux se relever.
En combinant son introspection avec son amour de la technique, on retrouve sur Moussa un Prince Waly fidèle à lui-même : découpant les prods avec son aisance habituelle, montrant l’étendue de sa technique dans de superbes storytellings et explorant de nouvelles mélodies.
Moussa est un disque qui voyagera dans le temps. Avec notamment une tournée prévue pour cet hiver, le Walygator continue son Marathon, empreint de combativité, et porteur d’un message d’espoir, d’authenticité et d’amour. Le Prince est, et restera parmi nous.
Rédacteurs : Victor, Catheline
Photo du concert : Catheline
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